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Amusie et anhédonie musicale : quand la musique ne fait plus aucun effet.

« Sans la musique, la vie serait une erreur ». Cette fameuse citation qu’on doit à Nietzsche dans son ouvrage Crépuscule des idoles est une maxime communément admise par des milliards d’individus dans le monde. Toutefois, elle n’est pas partagée par une partie de la population qui souffre de ce qu’on appelle l’amusie, les empêchant de comprendre et même d’apprécier tout type de musique. Ce qui s’apparente à un pitch dystopique est en réalité une souffrance dont on découvre encore aujourd’hui les secrets.

Qu’est-ce que l’amusie ? C’est tout simplement l’absence de sens musical, l’incompréhension totale ou partielle du cerveau à l’écoute de musique. C’est une anomalie neurologique qui se déclare chez une faible partie de la population mondiale (moins de 2%) et qui reste encore assez méconnue.

On distingue plusieurs types d’amusie, ou de « surdité » musicale : 

- la surdité tonale, qui empêche d’entendre des sons à une certaine tonalité

- la surdité rythmique, qui rend la personne incapable de s’adapter à des changements de rythme même si elle peut entendre une mélodie

- la surdité musicale, la max, celle qui empêche de percevoir toute musique autrement que par une succession de sons. Le rythme, les accords, les mélodies n’ont alors aucun sens pour la personne qui en souffre.

Si pour beaucoup, une telle situation serait une certaine idée de l’enfer, pour d’autres il s’agit d’une anomalie neurologique dite congénitale, présente de naissance. Celle-ci serait aussi liée à des difficultés pour reconnaître les émotions communiquées par la parole ou encore les expressions faciales. Qu’il s’agisse de reconnaître la mélodie de frère Jacques ou de détecter qu’une note est fausse, les personnes dites « amusiques » vivent pour beaucoup un vrai calvaire. Isabelle Peretz, codirectrice du Laboratoire international de recherche sur le cerveau, la musique et le son (BRAMS), a longuement étudié les personnes souffrant de différents types d’amusie. Au micro de Radio-Canada, elle parle de ces gens qui vont « fuir la musique » et vont même jusqu’à souffrir de maux de tête et nausée à la moindre écoute musicale, en concluant : « Ils en souffrent beaucoup. Car la musique est omniprésente ».

La chercheuse évoque une autre catégorie d’amusiques, celle qui est indifférente à la musique : « Pour eux, aller à un concert, c’est comme assister à un discours dans une langue étrangère ». On touche ici à un autre phénomène encore moins connu, celui de l’anhédonie musicale, soit l’absence de plaisir à l’écoute de n’importe quel morceau de musique. Théorisé en 2014, ce phénomène semble encore plus étrange, alors que la musique est souvent classée comme étant une des plus grandes sources de plaisir possible, devant le sommeil ou la nourriture. Elle serait due à une anomalie neurologique dans le système de récompense lié à la musique. Freud était connu pour son anhédonie musicale et fuyait tout ce qui pouvait ressembler à une mélodie, se plaquant les mains sur les oreilles lorsqu’il se trouvait dans les rues de Munich et Vienne.

Les conséquences directes ont ici une dimension sociale, car ne pas aimer la musique peut ressembler à une posture en société :

« Et une fois adulte, dire que tu ne comprends pas la musique, que tu ne l’apprécies pas voire que ça te heurte un peu, c’est paraître réac’, celui qui n’aime pas les jeunes. Aujourd’hui, sans mentir aux gens, je reste toujours discret sur mes goûts musicaux et le fait que je n’écoute pas de musique ».
— Guillaume, 47 ans, pour la Sourdoreille

Il n’est aujourd’hui pas possible pour les amusiques de trouver une quelconque fibre musicale. Certains ne le veulent pas d’ailleurs comme on a pu le voir. Mais lorsqu’il s’agit d’un symptôme lié à une lésion cérébrale ou à une opération, alors l’espoir est de mise. Ce fut le cas pour la productrice et DJ Jennifer Lee, alias TOKiMONSTA, qui après deux opérations du cerveau s’est retrouvée dans l’incapacité de comprendre la musique. L’artiste a ainsi dû attendre plusieurs mois après son opération avant de percevoir la musique à nouveau et ainsi se relancer dans la composition. Son histoire a d’ailleurs été racontée dans un épisode de la série documentaire « En bref » du média Vox diffusée sur Netflix. Une parenthèse terrifiante qui a suscité chez l’artiste une contemplation angoissée d’un monde sans musique. On ne le souhaite évidemment à personne.

Si vous voulez savoir si vous êtes amusique ou non, il existe de nombreux tests en ligne comme celui du site The Music Lab : https://www.themusiclab.org/quizzes/td